Comment devenir riche avec le vin.


Quand on veut exister sur le Web, pas d'alternative, il faut faire le buzz! Le problème, soyons honnêtes, c'est que le vin, ça ne fait pas bander. Malgré les efforts (désordonnés) des uns et des autres, l'internet pinardier demeure une banlieue numérique. Et plus encore quand il parle français. Là, on flirte avec l'encéphalogramme plat.
Il est vrai que dans le Mondovino, on ne se renouvelle pas beaucoup. Même quand les jeunes se la jouent boy-scouts, ça sent le vieux, la com' de vieux. Les sommeliers persistent dans le tergal noir / chemise polyester blanche / cravate en rayonne vermillon, les cavistes s'acharnent à faire relooker leurs boutiques par des designers bulgares so 50's, la Presse n'en finit plus de copier le Jours de France du coiffeur de ma grand-mère. On est loin, très loin des sites de mode, de cosmétiques, de foot, d'ailphones, de cul. Même la (mal)bouffe s'en sort mieux, grâce notamment aux blogs foodistes qui vous expliquent comment mitonner un plat trois-étoiles avec du Philadelphia®, un buuurgeeer Bigard® et de l'ail noir du pousse-caddie. En fait, je crois que je viens de mettre par hasard le doigt sur le problème: il faut causer pratique, VinoPRATIK, mes enfants! Vendre du concret, sortir de la théorie et de la philosophie à deux balles, bref, donner des recettes.
Pour commencer, on va taper fort. Faire briller, genre chaînes en or de rappeurs et champagne assorti*. Vous avez vu le titre comme ça pète? "Comment devenir riche avec le vin". Sans point d'interrogation, parce que c'est une recette qui marche à tous les coups, comme une fiche-cuisine de Elle. Donc, on y va, en route pour le rêve!


D'abord, il vous faut un nom. Gérard Dupont, c'est mort. Pensez à un mélange de japonais ou de scandinave avec du français, soyez exotique. Pour le terroir, je vous conseille le Languedoc. Pas trop près de Montpellier, visez plutôt l'Aude, les Corbières. Trouvez un de ces nombreux bleds où le kolkhoze, malgré les subventions, a du vague à l'âme. Habituez-vous à aimer le Ricard d'Andorre, parce qu'il va vous falloir pas mal d'apéros pour vous faire pote avec un ou deux adhérents de la coopé. Attention, pas n'importe lesquels, choisissez les gros malins, les sournois, minimum quarante hectares de vignes au compteur sur les sols les plus productifs, plats comme la main, près de la rivière famélique dont on peut plus boire l'eau parfumée au Round-Up depuis vingt ans. Le type est moustachu, madré, arrangeant aussi. Comme il n'a pas le droit de produire plus de cinquante hectolitres/hectare d'AOC (ce qui le frustre et insulte la mémoire de ses ancêtres), il préfère l'IGP. Ou mieux, le Vin de Table comme on disait avant, quand justement on avait peur que ce truc fasse des trous dans la nappe. Là, épaulé par son fournisseur d'engrais de Figueras (avec lequel il aime tant se régaler de fruits de mer à la marisquería de La Jonquera), il peut exprimer tout son talent: quatre-vingts, cent hectos/hectare. Parfois même un peu plus, et c'est là que vous intervenez en l'aidant à se débarrasser de ce surplus gênant. Prévoyez du black (les moules et les huîtres, ça coûte, surtout à La Jonquera), pas trop non plus, comptez soixante centimes le kilo. Du raisin propre, douze traitements minimum, et avec des trucs super-performants; le fournisseur de Figueras, je vous le dis, c'est un champion, il a même des molécules qui ne sont pas dans le manuel!


Bon, là, il faut être malin. Pas question de se faire prendre la main dans le sac. L'idéal, c'est une vieille camionnette, style estafette de la gendarmerie réformée, le raisin dans des comportes. De nuit si possible.
Discrètement donc, vous apportez le précieux chargement dans votre chai, situé de préférence pas trop loin des vingt-cinq ares de vieilles vignes en gobelets (carignan ou cinsault) que vous laissez gentiment crever**. Les baies sont un peu mâchées par les transvasements et les transports, parfait. Dans un garde vin en fibre, ou dans du plastique, vous commencez la vinification, en levures indigènes évidemment, sans protection, vous allez voir, avec ce genre de raisins aussi aseptisés que le cul d'une Californienne, c'est l'idéal. Enfin, pour ce que vous voulez faire.
Forcément, la fermentation met du temps à démarrer. Ça dure, ça patine. Le pH est élevé, donc comme par miracle, le goût de souris s'installe, c'est plus une cuve, c'est Le Journal de Mickey. Second miracle, le manque d'acidité chronique de votre moût est rapidement compensé par une forte montée de volatile. Le caviste toulousain qui vous a "découvert" passait par là en allant manger chez Roca, il a goûté, il a trouvé ça d'une "extraordinaire fraîcheur". Ne jouez quand même pas trop avec le feu, un gramme, ça arrive vite, même aux meilleurs, il ne s'agit pas de se mettre les poils du nez comme des dread-locks


Vous pressez ça au cliquet (n'oubliez pas la vidéo pour Facebook) et là s'offrent à vous deux possibilités d'élevage: le garde-vin en fibre, en plastoc, avec chapeau flottant genre Titanic ou les barriques en bois sale d'un papet du coin, vintage, ouillées ma non troppo.
C'est la fin de l'hiver, vous n'avez pas oublié d'oublier de vous raser et d'aller chez le coiffeur, voici la saison des salons. Soignez le look, arrêtez les lessives une semaine avant, la douche aussi. Sur place, faites le mystérieux, évoquez ce travail "très doux" dans vos vignes, votre reconversion, Si on vous interroge sur l'absence de label bio, haussez les épaules avec dédain, prenez un air pénétré, que le pigeon client potentiel (encore bourré-défoncé du repas de la veille avec ses confrères) comprenne bien qu'il a dans son verre la chance de sa vie. Normalement, tout est pré-vendu en moins de deux, à vingt euros la bouteille.
En attendant (mais n'attendez pas trop…) la mise, peaufinez le packaging. Le revendicatif, comme Mélenchon commence à s'essouffler, remisez le poing levé et l'étoile rouge. Le vulgaire genre coussin-péteur*** ou Almanach Vermot se maintient, mais je vous conseille davantage l'épuré, genre "moi, je n'ai pas de temps à perdre avec ça". Bouchage à la cire mal paraffinée évidemment.
Voilà, ne me remerciez pas, mais, je vous le dis, le succès est garanti. Pour moi aussi, d'ailleurs. Vive VinoPRATIK !




* Rappeurs, champagne, ça ne vous rappelle rien? Ici.
** Quand elle seront foutues, vous en achèterez d'autre, c'est pas cher. Personne n'en veut, on ne peut pas les vendanger à la machine.
*** Ou pire


Commentaires

  1. On s'y croirait ! Et c'est vrai que certains néo vignerons du Languedoc qu' on voit débarquer avec leurs quilles paraissent ne pas avoir passé plus d'une heure dans les vignes de toute l'année. Ce qui n'est pas rédhibitoire... Alors on se dit qu'on le goutera dans 5 ans, et ça arrive rarement.

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